Innover pour mieux se soigner ?

Pourquoi la santé connectée ne serait-elle pas efficace ?

Une dichotomie apparaît dès lors qu’on évoque les dépenses de santé. Certains prônent une baisse conséquente de ces dépenses, d’autres clament haut et fort que la santé n’a pas de prix. Dans ce contexte, est-il encore possible d’innover ? Un débat voué à péricliter auquel l’économiste de la santé Daniel Szeftel tente de mettre fin. Dans son étude intitulée « Innover, c’est bon pour la santé ! », il ne s’agit pas de réduire la santé à des dépenses superflues ou d’affirmer qu’il est inconcevable de la chiffrer, mais plutôt de penser autrement, de songer à l’innovation, envisagée comme une solution technique, organisationnelle voire financière.

Le crescendo des dépenses de santé du modèle occidental

Les défis auxquels sont confrontés notre système de santé sont nombreux : démographie, transition épidémiologique, équité d’accès aux soins ou encore maintien d’une protection solidaire dans un contexte économique assez peu favorable.

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Trois principaux facteurs d’augmentation des dépenses de santé ont été identifiés :

– La démographie et l’épidémiologie des maladies :

Premier constat : la France vieillit. En seulement un quart de siècle, l’âge moyen des Français a connu une augmentation de plus de 4 points (passant de 36,9 ans en 1991 à 41,1 ans en 2016), influençant inéluctablement la demande de soins. Et notre mode de vie occidental autrefois mis sur un piédestal révèle ses limites. Nous assistons à une croissance sans précédent des maladies respiratoires, des maladies chroniques tel le diabète, des maladies cardiovasculaires ou encore des cancers. Et les maux de la société française ont évidemment un impact conséquent sur les dépenses de santé.

– Une augmentation du niveau de vie :

Qui dit accroissement du niveau de vie, dit augmentation de l’offre et de la demande en matière de santé.


– L’évolution des connaissances médicales et le progrès technique :

Ces phénomènes créent de nouveaux besoins, jusqu’alors inconnus. Nous aimons l’innovation, nous croyons fermement au progrès. Mais nos exigences sont accrues, nous attendons l’excellence en termes de qualité et de sécurité.

L’innovation au service de la santé ?

Les révolutions numériques et technologiques bouleversant notre économie et notre quotidien paraissent mises de côté par notre système de santé, qui fait face à de grosses difficultés de financement et doit composer avec la rigidité des structures actuelles.

Néanmoins, innover en santé semble pouvoir devenir un facteur d’efficience selon Daniel Szeftel. Il serait possible de personnaliser la prévention et les traitements, transformer l’exercice médical à l’aide des technologies avancées ou bien favoriser les soins en ambulatoire ou à domicile. S’appuyant sur des exemples concrets en France et à l’étranger, l’auteur émet dans son étude dix propositions afin de lever les freins à l’arrivée et à la diffusion des innovations.

Innover, c'est bon pour la santé

Ladite étude pointe également le recours à l’analyse statistique d’importants volumes de données – Big data – que Daniel Szeftel conçoit comme une « source de plusieurs potentialités novatrices d’optimisation des parcours de soin ». Et l’utilisation du Big Data et des statistiques pourrait très nettement bénéficier à la recherche clinique.

Innover, c’est aussi laisser place aux logiciels et applications

L’innovation dans le domaine de la prévention secondaire – stade où le patient est déjà malade – permettrait d’éviter que l’état de santé du patient ne se dégrade, et réduirait donc les frais de santé. Diabeo ou Moovcare par exemple permettent un meilleur suivi du traitement par le patient, une gestion avisée des effets secondaires et une qualité de vie supérieure.

Le programme CardiAuvergne, à destination de patients atteints d’insuffisance cardiaque chronique, est un autre exemple probant. Ce programme est un service de télésurveillance et de coordination des soins ayant pour dessein d’améliorer le pronostic tout en permettant au patient de rester hors de l’hôpital. Le dossier de suivi est renseigné par le patient lui-même, grâce à une balance connectée, et par une infirmière libérale qui suit via le smartphone l’évolution clinique. Donc le cardiologue en charge du patient a aisément accès à toutes les données de suivi du patient, et tout ça à distance !
Après deux années d’expérimentation, le taux de décès est évalué à 12% (contre 28 à 35% dans le cas d’une prise en charge conventionnelle), et le taux de réhospitalisation a diminué de plus de 12 points. Outre les bienfaits constatés chez les patients, le bénéfice économique a été estimé à 7000 € par patient et par an.

Des freins à l’innovation ?

L’étude de Daniel Szeftel constate tout d’abord que les innovations du domaine numérique comme la télémédecine ou les programmes d’accompagnement des patients font face à de très nombreuses contraintes juridiques et réglementaires, comme les multiples demandes d’autorisation préalable, retardant de fait leur accès au marché. La Haute Autorité de Santé (HAS) est la principale agence en charge de l’évaluation clinique des biens et services de santé. Or, les fondements de cette évaluation ont été établis à une époque où les cycles d’innovation étaient bien plus longs qu’ils le sont actuellement. Et si les propositions innovantes fleurissent, la HAS peine à suivre le rythme.

Force est également de constater la « sous-utilisation » de certaines technologies de santé en France, justifiée en partie par des freins culturels. Les néphrologues français ont ainsi longtemps favorisé la dialyse en centre et écarté la dialyse à domicile, décision imputée aux « effets d’école » chez les praticiens ayant du mal à remettre en question les enseignements qu’ils ont pu suivre. Favoriser la dialyse à domicile est pourtant particulièrement bénéfique à la qualité de vie du patient, mais également à la collectivité, limitant de fait la surconsommation de ressources, et les frais engendrés.

Évaluer les avantages et les inconvénients de l’innovation en santé pour fournir des propositions d’amélioration semble être tout le dessein de l’auteur. Mais bien plus qu’une étude, Daniel Szeftel nous invite ici à un véritable débat sur la place de l »innovation dans la santé. Ce texte pose les bonnes questions et des suggestions d’amélioration pertinentes, à découvrir en ligne.

Sources

– Eschalier et al., 2014, Cardiauvergne : service de télésurveillance et de coordination des soins des insuffisants cardiaques.
– Szeftel Daniel, Innover, c’est bon pour la santé !
Insee

2 Commentaires

  1. […] L’édition 2018 du CES aura permis aux deux créateurs de nouer un partenariat international grâce à l’accord passé avec l’entreprise américaine iHealth, spécialisée dans la fabrication et la distribution de produits destinés à la santé connectée. […]

  2. […] la santé connectée va jouer un rôle de plus en plus important dans le futur, et des études viennent de montrer tout […]

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