« Et puis, parmi le personnel soignant d’un centre de rééducation, il y a les kinés… Bien sûr, ils ont une blouse blanche mais ils font moins peur que les médecins. Kiné, ça rime avec progrès. » écrit Grand Corps Malade en parlant de François Chevet, auteur de Prendre soin.
Prendre soin, c’est ma vie !
Cette formule résonne comme une promesse et résume un formidable engagement. Des quinze premières années de vie professionnelle, François Chevet, kinésithérapeute au centre de réadaptation de Coubert, a voulu témoigner.
« Le passage en centre de rééducation est un moment charnière, difficile, où il s’agit de faire le deuil de sa vie passée, et d’apprendre à vivre avec un corps qui ne fonctionne plus comme avant. Médecins, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, infirmiers mais aussi orthophonistes, psychologues, moniteurs de sports qui accompagnent ce processus sont comme des brancardiers sur un champ de bataille. Non pas en première ligne, mais au plus près des soldats tombés au front. »
L’orientation, elle vient comme une vocation et un accomplissement.
De l’humanité, profonde, aux compétences techniques, indispensables, le kiné doit être pourvu. « Il doit expliquer, être doux, délicat et respectueux. Il doit prendre soin et avoir de l’empathie confesse François Chevet.
La préface de Grand Corps Malade et la postface de Michaël Jérémiaz confirment ce que le lecteur pressentait : François Chevet n’est pas un kiné comme les autres. Il est de ceux que chacun souhaite au chevet d’un proche, grand blessé du système nerveux central : paraplégique, hémiplégique, traumatisé crânien…
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Il est de ceux qui font de la relation soignant-soigné une longue parenthèse (les soignés passent souvent près d’un an en rééducation), un moment de partage, un passage, une traversée. Et le lecteur, saisi par l’impudeur et envahi par l’émotion, en vient presque à envier ce lien, si particulier, à la fois neutre et intime, dramatique et plein d’humour (noir) qui se tisse entre eux.
Il n’y a pas de soignant sans soigné mais…
…il n’y a pas de soignant sans moyen et sans reconnaissance. « Il avait toujours une oreille où je pouvais déverser mes malheurs, mes angoisses de mec, mes espoirs aussi » confie Michaël Jérémiaz. Le soignant devient le confident, le seul à qui le soigné ose raconter, questionner… Il est tout à la fois, le frère – la soeur – la femme – le compagnon.
Et pourtant… François Chevet a quitté l’institution. « La souffrance du soignant, dont on parle beaucoup ces derniers temps, n’est pas dans sa relation avec le patient, elle prend sa source dans les fiches de poste, de notation ou de statistiques à remplir. L’architecture pesante détruit la part d’humanité dans le temps de soin » écrit-il.
Gageons que malgré les difficultés et le manque de moyen, d’autres vocations émergeront. D’autres François Chevet continueront à faire leur travail avec savoir-faire et bienveillance.
Prendre soin, François Chevet. Editions Don Quichotte, 16 euros.