Le troisième programme national nutrition santé (PNNS) 2011-2015 était considéré, par un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en juillet 2016, comme mal piloté et mal gouverné, s’adressant à un public trop large, pas efficace. Ce plan devait être repensé. C’est chose faite ! Et on en pense quoi ?
Un programme national nutrition santé, 4 messages
Vous connaissez depuis 2007, les quatre messages obligatoires qui accompagnent les publicités pour les aliments à la radio ou à la télévision :
1 – Pour votre santé, manger au moins 5 fruits et légumes par jour
2 – Pour votre santé, pratiquer une activité physique régulière
3 – Pour votre santé, éviter de grignoter entre les repas
4 – Pour votre santé, ne manger pas trop gras, trop sucré, trop salé
Pour tout savoir du nouveau PNNS :
Nouveau programme national nutrition santé : qu’est-ce qui change ?
Des messages « usés » et non suivis
Des messages considérés aujourd’hui comme trop moralisateurs et surtout « usés ». En bref, on les a tellement vus qu’on n’y fait plus attention. Mais ce n’est pas tout, ce n’est pas parce qu’on les entend qu’on les suit ! Rébellion du consommateur, me direz-vous ? Non, en fait ce phénomène est bien connu en marketing, La connaissance du produit et l’intention d’achat sont des réalités bien différentes. On sait que tel produit est bon pour la santé et meilleur que tel autre pourtant on achète le second. On parle ainsi de l’effet boomerang de ces messages. Ils ont non seulement l’effet inverse de celui attendu mais en plus renforce les attitudes de la cible plutôt que de les modifier.
Depuis 2012, une étude française démontre que les bandeaux « consommez 5 fruits et légumes par jour » sur les boîtes de produits « plaisir » sont contre-productifs et poussent paradoxalement à la consommation de produits mauvais pour la santé.
Le nouveau programme national nutrition santé
Un score plus visible…
Le nouveau PNNS recommande, lorsque vous faites vos courses, de vous appuyer sur le Nutri-score pour acheter les produits favorables à la santé.
Des scientifiques, des consommateurs, des industriels de l’agro-alimentaire sont à l’origine du Nutri-Score. Il permet de classer les produits transformés et les boissons en fonction de leur teneur en nutriments. Et il signale aussi les aliments à favoriser (fibres, protéines, fruits et légumes) et les nutriments à limiter : énergie, acides gras saturés, sucres, sel… Selon le score obtenu par un produit on lui attribue une lettre (de A (bon) à E (mauvais)) et une couleur (de vert foncé (bon) à orange foncé (mauvais)).
Pour tenir compte des spécificités de certaines familles d’aliments telles que les matières grasses ajoutées (beurre, huile), les fromages ou encore les boissons, la méthode de calcul du score a été adaptée.
…Mais totalement facultatif
Cependant, l’application du Nutri-Score est facultative, elle repose sur le volontariat des entreprises de l’agro-alimentaire et des distributeurs. Et là, le gouvernement fait une grosse erreur. La première est de compter sur la bonne volonté de ces entreprises, certes, mais il oublie qu’en plus, elles disposent d’outils marketings très sophistiqués qui lui permettront de contourner le Nutri-score.
Mangez des fruits et légumes !
Déjà 15 ans que ce conseils perdure. Mais le CREDOC souligne que les Français n’en mangent pas plus. Le titre de son bulletin est d’ailleurs significatif : « Fruits et légumes : les Français suivent de moins en moins la recommandation ». Toujours selon le CREDOC, cette baisse de consommation serait due en grande partie à « la perte du savoir-faire culinaire ». Mais, plus étonnant encore, si la faible consommation de fruits et légumes touche encore les populations les moins diplômées, elle progresse plus vite chez les plus diplômés ! « Ce phénomène s’explique en partie par l’effet de génération : aujourd’hui, les plus jeunes sont plus diplômés et moins consommateurs. ».
PNNS, mais que c’est long !
Avant publication, le PNNS doit passer différentes étapes. Tout d’abord la Direction Générale de la Santé propose ce changement. Puis, l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) conçoit les repères en fonction des études médico-scientifiques. Ensuite, le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) propose une formulation des nouveaux repères. Enfin, l’Agence Santé Publique France élabore les messages à communiquer au grand public et aux acteurs de santé.
L’ANSES a fini ses travaux fin 2016. Et le HCSP a rendu ses formulations en février 2017, on attend toujours les messages de « Santé Publique France » !
La mal-bouffe, un problème plus vaste
Réapprendre à manger de façon équilibrée ne peut se faire à coups de slogans et de publicités sympathiques. Les enfants doivent retrouver le plaisir de manger varié grâce à leurs parents. Un enfant à qui on a appris le plaisir de manger en l’emmenant faire des courses, en lui préparant des plats variés, continuera dans cette voie lorsqu’il aura des enfants. Le plaisir de manger est donc une question d’éducation.
Privilégier le bio ?
C’est bien, sur le papier. Mais chacun sait que les fruits et légumes bio sont plus chers que les autres ! Selon l’Observatoire annuel des prix des fruits et légumes de l’association Familles rurales, 60 % des foyers déclarent ne pas avoir les moyens de manger bio : « En moyenne, les légumes bio sont vendus 4,18 euros au kilo, contre 2,25 euros pour les légumes conventionnels, quand les fruits bio affichent un prix de 7,67 euros, contre 3,91 euros au kilo pour les fruits conventionnels ». Résultat, manger 5 fruits et légumes par jour même non bio représente un prix mensuel élevé. « Pour un foyer de quatre personnes, il faut débourser entre 115 euros (pour une famille qui est à l’affût du prix le plus bas). Et 255 euros (pour une famille qui ne consomme que du bio) chaque mois pour atteindre cet objectif quotidien de cinq fruits et légumes. Un montant qui pousse deux familles sur trois à renoncer aux recommandations du Plan national nutrition santé ».
Le nouveau PNNS a donc encore quelques efforts à faire pour que tout le monde le suive !
Pour aller plus loin :
Contenu relu et validé par une diététicienne WeCook.
Sources
– Inspection générale des affaires sociales, « Evaluation du programme national nutrition santé 2011-2015 et 2016 (PNNS 3) et du plan obésité 2010-2013 ».
– Carole Werle, « The boomerang effect of mandatory sanitary messages to prevent obesity », Marketing Letters, 23(3), septembre 2012.
– CREDOC, « Fruits et légumes : les Français suivent de moins en moins la recommandation ».
– Familles Rurales, « Observatoire des prix fruits et légumes – été 2018 »